Hier matin, pour aller signer le contrat de mon atelier au Service Culture, je me suis garée sur les quais et ai traversé le Vieux Mans à pied. On ne peut pas s'en lasser. J'ai pensé à prendre quelques photos.

J'attendais depuis des semaines de pouvoir vous le montrer.
Ce matin j'ai eu les clefs...

Début février j'ai appris que la ville du Mans m'avait octroyé un des "ateliers d'artistes" qui viennent d'être créés. Nous avions visité les locaux début mars. Les travaux n'étant pas tout-à fait finis, il fallait attendre un peu.

Je vous le montre tel que, mais je vais peu à peu l'investir et vous aurez de nouvelles images bientôt!
Le mien est au rez-de-chaussée de l'ancienne usine (de pantoufles!), il fait 15 m2. Curieusement, il est installé dans mon ancien quartier, que je connais bien, du coup.

Je n'aurais pas de moi-même loué un espace de ce genre pour travailler. Mais dans ce bâtiment nous sommes 7, ça va me faire du bien de rencontrer un peu de monde de temps en temps. Les ateliers vont être inaugurés le 12 mai, juste le temps de s'installer...

Chinés dans l'état, un manteau d'enfant et un corsage.

Le manteau en coton "beurre frais" a un grand col orné de dentelles.

Quant au corsage, très abimé, tout cousu main, j'aime ses détails délicats.

Peut-être que, vu son état, j'aurai moins de scrupules à en utiliser des fragments dans les compositions qu'il m'inspire déjà.
Mais je trouve aussi vraiment intéressant de le conserver tel qu'il est: l'usure, les taches de rouille, les déchirures sur un ouvrage de ce genre expriment tant de choses si on les garde intactes.

      à chaque fois l'hésitation...

ai-je le droit de sacrifier un objet doublement unique ( fruit d'heures de labeur + passage du temps dessus) à mon travail personnel?
uniquement, sans doute, si le résultat magnifie ce que nous admirons dans l'objet arrivé tel jusqu'à moi.

La montre et la tasse...promis je ne l'ai pas fait exprès, d'autant plus que je n'ai jamais vraiment apprécié les aventures de cette pauvre petite anglaise.

Mais j'imagine que mon inconscient s'est organisé tout seul, qu'il m'a envoyé ces idées à mon insu, déguisées en simple montre et tasse ordinaire, pour me prendre au piège.

C'est vrai que j'attendais avec curiosité le film de Tim Burton (que finalement je n'irai pas voir, la bande-annonce ne me motivant pas du tout).

Bref, ce courant "Alice" circulant doucement sous la trame des blogs, il faut reconnaitre que c'est l'occasion d'échanges et de découvertes, et rien que ça, ça vaut le coup.

Tout ça pour vous dire que

1) "La Princesse au petit pois"  m'a fait l'honneur d'un post en tandem avec une créatrice de ses amies qui, elle aussi, réalise de drôles de montres qui n'indiquent pas d'heure.

                                                                       c'est Là.

2) sur A little Market, j'ai rencontré Midi a Quatorze heures, avec ses délicieuses montres également qui, si elles ne sont pas en tissu, n'indiquent pas d'heures non plus, et c'est bien le principal non?

                                                                        c'est là.

gravure John Tenniel

Mais qui donc s'est installé au grenier pour y prendre un thé en cachette?

en savoir un peu plus ICI

Un printemps d'il y a longtemps, je m'adonnai à ce parfum.
Vent vert, de Balmain.
Depuis, chaque mois de mars me voit ouvrir le bouchon pour sentir ce si particulier mélange.

Muguet, je crois?

Je ne supporte plus de porter ce genre de chose mais y mettre le nez quelques secondes me ravit, fait pétiller mes neurones, m'emporte dans un tourbillon d'abandon.

Maintenant, il me fait penser, vue et odeur confondus, à un flacon de grand-mère, oublié au fond d'une armoire...et plein de souvenirs!

La tenture aux mûres, je l'ai peinte il y a quelques années sur un lin brut.
Je l'ai retrouvée récemment.
J'aime le froissé de l'épaisse toile.
Et le rayon de soleil qui la caresse!

La lumière se fait plus intense, les couleurs plus profondes et vivantes. Pour moi c'est irrésistible, je fais des mélanges, j'accorde des tons, je brûle d'harmoniser ces pigments qui ne demandent que ça.

L'image que je vous présente me semble bien fade auprès de ce que je vois vraiment, là, en ce moment, sur la table.
L'un des bleus vibre, doux et puissant (velours). D'autre, passés, subtilement évocateurs, grimpent les marches étroites de tons peu communs. Ils donnent l'impression qu'ils vont bientôt disparaitre, qu'il faut se dépêcher de les saisir avant qu'il ne soit trop tard, d'une seconde ou deux (dentelles teintes). Il y a aussi la petite paillette qui brille discrètement d'un miroitement d'une grande qualité. Et la fleur sur l'organza de soie, transparente, envolée.
Tout ça je le vois bien et suis obligée d'y mettre des mots, car vous, vous ne pouvez qu'à peine le deviner. Devrais-je me procurer un matériel plus adéquat, ou simplement apprendre à me servir du mien...pour ne plus me sentir aussi frustrée par mes photos!

Voici la fausse montre qui n'indique pas l'heure..

Je viens de dévorer "La belle et la bête, journal d'un film" de Jean Cocteau.
Quel artiste.
Il a tourné ce chef-d'oeuvre en 1945-46, dans des conditions qu'on n'imagine pas: sans arrêt malade, voire très malade - il a dû interrompre son travail par plusieurs jours d'hôpital - ainsi que ses acteurs d'ailleurs, il a sublimé d'un bout à l'autre ses souffrances, porté par le film... "Et maintenant, il faut que je dise la vérité. Je n'ai jamais été aussi heureux que depuis que je suis malade. Ma souffrance ne compte pas. (...) L'obligation où j'étais de donner l'exemple et de tenir debout m'exaltait presque. J'offrais ma croix au film et je suis certain qu'il s'y est passé quelque-chose."
Le matériel dont il disposait, l'état de ce matériel, laisse rêveur aujourd'hui. Non pas qu'il recherchait ce genre de difficultés, mais il appréciait l'économie d' effets de caméra, qui à l'époque étaient à la mode. Il travaillait énormément la lumière et rêvait de faire de la couleur, qui apparaissait seulement en Amérique.

La maison de Belle se situe en Touraine. Jeux de patience pour tourner les extérieurs entre les nuages, les éclaircies, les avions qui font des loopings au mauvais moment et saccagent la prise de son.
Christian Bérard est le décorateur et costumier. " L'élégance de ses costumes,leur force, leur simplicité somptueuse jouent au même titre que les paroles. Ils décident le moindre geste sans rien de décoratif et donnent l'aisance aux artistes. L'arrivée de Belle, dans la lessive au milieu des poules noires, en grande robe bleu de ciel était un miracle. (...) Dès qu'ils sont habillés, maquillés, perruqués et rôdent dans le jardin, la ferme, les bâtisses, les fenêtres, les portes, prennent leur sens véritable. En costumes modernes nous avons tous l'air d'intrus, de fantômes ridicules."
Cocteau appelait Jean Marais "Jeannot".

"Voir travailler Christian Bérard est un spectacle extraordinaire. Chez Paquin, parmi les tulles et les plumes d'autruche, barbouillé de fusain, couvert de sueur et de taches, la barbe en feu, la chemise qui sort, il imprime au luxe le sens le plus grave. (...) Hommes et femmes qui sortent de ses mains ont l'air de vivre en un certain lieu, à une certaine date, et non pas de se rendre au bal masqué."

J'étais très jeune lorsque j'ai vu ce film pour la première fois. Les décors m'ont marquée à vie! La chambre de Belle, la salle du château et la table...le linge étendu dans le jardin...rien de ce que j'ai pu voir après n'a effacé ces images puissantes. Sans doute parce qu'ils les ont réalisés avec les moyens du bord, et éclairés d'une façon éblouissante. Peut-être aussi parce que Cocteau, en grand alchimiste, a transformé sa poésie en film.

Jean Cocteau "La Belle et la Bête" ed. du Rocher

images: "La Belle et la Bête" par Henri Alekan, ed. du Collectionneur