Le Curieux Petit Lieu

Ce sont des tas de chiffons semble-t-il, en fait des vêtements de poupée de salon, assez anciens je pense; je ne m'en suis pas encore occupée, ils sont très abimés! j'adore leurs tons fanés, la mollesse de la soie, la fragilité des coutures... les déchirures, les points à la main hésitants mais passionnés! c'est posé là sur un tas de tissus, eux-mêmes sur un vieux carton à chapeaux, et c'est bien comme ça.

Là sous mes yeux, une petite robe du dimanche en tulle brodé. Elle fait partie de mon décor quotidien, mais je ne m'en lasse pas. Elle change souvent de pièce, parfois je l'oublie dans une valise ou une malle. Elle réapparait toujours.

C'était sûr: à traîner sous les arbres et discuter avec les écureuils ( toute une petite famille cette semaine!), mon regard est tombé sur un morceau d'écorce - tombé lui aussi, jamais je n'arracherais quoi que ce soit... - et aussitôt je me suis dit...tiens ça serait pas mal avec un bout de chiffon autour.

Et voilà, j'ai bricolé un mix "truc nature + chiffon".

Il y a des années que je m'étonnais de ne pas le faire. Quand j'étais parisienne, je revenais de mes week-end à la campagne chargée de choses ramassées: mousses, branches, toutes ces choses irrésisitibles. Il y a ... 24 ans, par exemple, j'avais fait ça:

Un sac en bois et fil de bronze, objet inutilisable autant vous le dire! les soufflets des côtés sont en feuilles mortes cousues, ultra séchées maintenant.

Même après, ça m'a duré longtemps. C'est quand je me suis mise à faire des tableaux en tissu que je n'ai plus ressenti le besoin d'utiliser de matériaux "nature".  Je baignais tellement dans un univers de choses géniales et renouvelées, le lin, les dentelles, la mercerie...ça me suffisait largement!

Il y a un moment où il faut choisir le bon fil.

La bonne épaisseur, pour aller avec la bonne aiguille et le bon point.

La bonne nuance de faux blanc, ou bien de noir, brillant ou mat, sec ou moëlleux, la bonne texture. Coton? Lin?

Pour ça il faut ouvrir les boites, faire une première sélection, sans oublier que certains fils peuvent être fragilisés par l'âge et inutilisables. Donc vérifier.

Et se souvenir que, même si un vieux fil paraît solide,  il peut toujours flancher plus loin, au bout de quelques mètres, inexplicablement.

Mais c'est pas grave, le plaisir, c'est d'ouvrir les boites et de se dire ... voyons, lequel me faut-il?

Un chemin où l'on rencontre des écureuils curieux et pas farouches, jeunes et moins jeunes... Tout est extra-ordinairement vert, ce sont peut-être les mêmes photos d'arbres que cet hiver ou un autre, mais avec des feuilles! les chemins baignent dans cette lumière filtrée par les ramures et feuillages, une lumière presque glauque. Une belle atmosphère.

Le deuxième de la série. La photo m'a beaucoup parlé hier soir, et il a suffi de fouiller dans ma grande boite à bouts de bois pour trouver ceux qui s'accordaient!

Le joli bouton de verre a été une évidence dès que je l'ai vu dans la boite à boutons de verre.

Quant au minuscule texte, je l'ai délicatement déchiré dans un fragile morceau de conte illustré titré "Le petit Poucet", parmi les vieux papiers entassés sur une étagère de la bibliothèque. 

Quel plaisir lorsque tout s'articule harmonieusement, de façon évidente, comme ça devrait toujours être.

Les détails et d'autres photos, ICI.

C'est une petite photo d'enfant reçue en cadeau qui m'a soudainement donné envie de m'y remettre...comme il y a très longtemps!

Je suis en train de réaliser que vous, lectrices et lecteurs du blog, n'avez pas connu cette période! Je vous explique:

 En 1998 je crois, j'ai commencé à réaliser des tableaux en lin, sur chassis, avec une petite photo cousue au centre, et une "mise en scène" cousue tout autour, en général inspirée par ce qui "émanait" du personnage photographié. A l'époque je n'avais pas Internet bien sûr, et je n'avais jamais vu ce genre de tableaux. J'en ai fait des dizaines! Je n'utlisais que des choses anciennes et la couture à la main. 

Maintenant, ça ne me gêne plus de mélanger les matériaux, pour moi ça devient cohérent (avec toutes les autres choses que j'ai faites depuis!) et la continuité se fait de façon évidente.

Du coup je retrouve toutes mes petites photos et comme coller c'est quand même plus rapide que coudre...tout un pan de possibilités sur le même thème apparaît. 

Bon, je couds aussi c'est sûr. En ce moment j'ai quelques projets de couture "pure". Mais comme d'hab, ça fait du bien d'avoir des trucs différents en route.

Vous pouvez retrouver ce premier collage ICI et LA, avec tous les détails. 

Chaque année, au printemps, il fait trois fleurs. (ici vous en voyez seulement deux, j'en ai déjà coupé une). Est-ce parce qu'il a beaucoup de lumière? on m'a dit aussi que ce genre de plantes font des fleurs quand elles sentent qu'elles vont mourir, mais là, ça fait la quatrième année... pendant la floraison, les feuilles poussent au ralenti, mais ensuite ça repart. Il parait qu'à Haîti on mange une partie de cette plante. Je n'essaierai pas.

Sa vitalité m'épate. 

Derrière elle, on voit une variété de cannelle - je ne sais pas son nom - qui, pareil, n'arrête pas de se développer. Je la change tous les ans de pot, mais je pourrais deux fois par an, tant elle pousse! J'ai essayé de faire sécher ses tiges, qui en effet une fois sèches ressemblent à des bâtons de cannelle, mais le parfum n'y est pas, ou trop peu. Quand même, bon, elle n'est pas dans son milieu naturel... faut pas trop en demander!

Oui c'est bien la gadoue, par endroits, j'avoue... mais qu'importe, quand on s'immerge dans le silence, les profondeurs vertes, la sérénité sans âge? quand il est possible de se retrouver soudain hors du temps? loin du siècle? loin de tout, en fait.

Marianne North. encore une anglaise du XIXème qui pourrait inspirer un réalisateur de film. Cela dit je me demande si Elisabeth Gilbert n'a pas été influencée pour son beau personnage d'Alma dans son dernier roman, "L'Empreinte de toute chose"? peut-être en a-t-elle parlé quelque-part. Quoi qu'il en soit, on retrouve d'étranges similitudes entre les deux femmes.

Cette Marianne a parcouru le monde pour peindre des fleurs, dans des conditions parfois un peu limite, bon, on était au XIXème quand même...chapeau. 

Elle a rencontré en Australie une autre Marian, Marian Ellis Rowan, à la vie moins hors normes sans doute mais qui était aussi une artiste à part entière, plus ou moins acceptée d'ailleurs.

Je vous laisse les découvrir - si comme moi vous ne les connaissiez pas - et imaginer tout ce qui n'a jamais été dit sur leurs existences... en attendant, peut-être, qu'une autre artiste romance tout ça.